
La maison de couture au 3 Rond-Point des Champs-Elysées – Paris 08
Il s’agit d’une maison de Haute Couture, un peu oubliée, comme bien d’autres, mais qui lors de son passage sur la scène parisienne, n’a au final pas laissé que des frou frou, des robes de soirée ou encore un des parfums préférés de Madonna.
Cette maison de Couture Robert Piguet, du nom de son fondateur, Suisse protestant, fils de banquier, a eu une belle existence de 1933 à 1951. Elle a apporté son goût de l’élégance, sa capacité à sublimer l’épure, c’est Christian Dior qui le dit dans ses mémoires, à habiller les clientes de l’époque, qu’elles soient bourgeoises, princesses, artistes, stars de théatre ou de cinéma. Elle été surtout le théatre des débuts de jeunes designers qui ont pu faire sur scette scène de la mode, scrutée par le monde entier, leurs premiers pas et y démarrer de brillantes carrières.
On pense à Christian Dior, bien sûr, La Galerie Dior en est un témoignage, à Hubert de Givenchy, mais on peut y ajouter Del Castillo [Lanvin], Marc Bohan, fils de banquier également et à la tête de Dior pendant 28 ans, le couturier américain de Nancy Reagan, James Galanos qui a fait sa seule année hors de sa Californie natale en cette maison, Serge Guérin [Hermès].
Dans le domaine des parfums, Robert Piguet, a favorisé également l’émergence de nouveaux talents en faisant confiance à une des premières femmes Nez dans le monde de la parfumerie, Germaine Cellier pour le lancement de sa gamme et notamment du fameux Fracas .

Robert Piguet né en 1898, décédé en 1953 a monté dans un premier temps une maison de couture qui en 1920, proposait des batiks. Installé à Paris, cet apprentissage accéléré du monde parisien, la découverte d’un univers qui n’était pas le même que celui connu dans un Canton de Vaud, Suisse protestant, s’est avéré difficile, compliqué et exigeant.
Après avoir vu fondre le pécule transmis par son père, Robert Piguet a fermé sa première entreprise et est parti travailler chez Paul Poiret, devenu un grand ami, puis chez Redfern.

Ce parcours de 10 ans chez un spécialiste du tailleur, Redfern, lui a permis de comprendre les subtilités de cette place parisienne ou la mode s’épanouit un peu mieux qu’ailleurs.
En 1933, il ouvrait sa nouvelle maison de couture et faisait partie de ces créateurs qui venu de l’étranger vont faire de Paris, la capitale de la mode. D’abord ouverte rue du Cirque, elle pris place en 1938 au 3 Rond-Point des Champs Elysées, Paris 08, ou elle va voir ses belles années jusqu’en 1951 ou elle sera fermée, suite aux problèmes de santé qui empêchent Robert Piguet d’exprimer ses talents.
Les archives de cette période se trouvent désormais au Musée de la mode d’Yverdon.
Maison de couture tremplin pour une génération de styliste modéliste
Cette maison était située à un rond-point, mais elle ouvert un boulevard à de jeunes stylistes modélistes, qui ont pu y découvrir les subtilités et les complexités de la Haute Couture, de la gestion d’une clientèle internationale et qui ont pu continuer un parcours qui pour certains à pris une dimension mondiale. Presque tous ont lancé leurs propres marques, mais seuls 2 d’entre eux ont eu l’audace, l’intelligence, la force de travail ou le talent, pour en faire une marque emblématique, qui perdure aujourd’hui, malgré la disparition de leurs fondateurs.
L’upcycling était déjà présent d’une certaine manière, sans ce que ce terme anglais soit utilisé, car pendant la guerre, certains modèles de manteaux notamment, étaient conçus dans des couvertures militaires, étant donné la pénurie de tissu.
Aujourd’hui les enjeux sont autres, mais apprendre à faire avec moins reste une idée forte.

Robert Piguet et Christian Dior dans les salons de la maison de couture
Christian Dior y a imaginé ses premiers modèles, dont un nommé « Café Anglais » en 1937, dont on pourra retrouver une inspiration en 1947 sous la forme du fameux tailleur Bar (source Galerie Dior) .
Hubert de Givenchy a quitté Jacques Fath pour cette maison dont il révait, à la suite d’un mercato, digne du 20 siècle (Source mémoire HDG).
Del Castillo qui prendra par la suite la direction de Lanvin et deviendra le premier couturier à imposer son nom à une maison de couture avec la communication « Lanvin by Del Castillo » (Source Galliera).
Marc Bohan avait 20 ans quand il a fait ses premiers dessins et cela lui a permis par la suite de faire plus de 20 ans chez Dior.
Serge Guérin a vécu les dernières années de la maison de couture et a continué sa carrière chez Hermés.
On notera aussi le passage du couturier américain James Galanos qui a fait un « stage » d’un an chez Robert Piguet juste après la guerre. Une cohabitation étonnante entre 2 cultures, celle de la Californie ou ce couturier qui sera celui de Nancy Reagan, est par la suite resté et celle d’une maison de couture parisienne.

Les différents modélistes de la maison de couture
Une maison de couture ce sont des idées et des savoir-faire
Au delà du tombé du tissu, sur une épaule, comme on peut le voir sur ces photos de « Bob », sont nom dans la famille, une collection, ce n’est pas seulement des dessins, même si cela commence par celà. C’est aussi des échanges avec toutes les personnes qui savent bâtir un vêtement, trouver un tissu rare, ou le faire faire, construire le patronnage, affiner ou même faire évoluer la silhouette imaginée.

Il ne faut pas oublier que derrière des pages de magazines à la mise en page trop bien léchée ou désormais des images de réseaux sociaux qui sont le résultat d’un prompt, il faut un atelier avec des personnes détentrices d’un réel savoir-faire pour arriver à un tomber parfait sur les épaules ou les hanches d’une cliente ou d’un client.

Le travail au sein de la maison de couture
La fin d’une aventure
Si la maison de couture a fermé ses portes en 1951, ce n’est pas pour des raisons financières, mais à cause de la santé fragile de Robert Piguet. Je me souviens de la remarque de mon père qui en tant gérant s’est occupé de cette démarche et qui me citait la remarque du banquier (Le CCF de l’époque, avenue des Champs Elysées) « Mais Monsieur, on ne ferme pas une entreprise qui fait des bénéfices » .
Au-delà des problèmes de santé, il y a avait aussi une perspective inquiétante pour la Haute Couture qui se dessinait et qui allait remodeler considérablement le paysage de la mode. Elle s’appelait le Prêt à Porter.
Une discussion avec les équipes de Galliera m’a permis d’apprendre que les membres de la Chambre Syndicale de la Haute Couture se comptaient au nombre de 160 au début des années 50. Ils étaient moins de 20 au début des années 60. Le vent tournait et ce nouveau soufle était plutôt de la catégorie ouragan.

Article de presse, lors de la fermeture de la maison de couture. 50% de la somme issue de la vente des actifs de la maison de couture, suite à cette fermeture, ont été reversé aux salariés en plus de toutes les mesures sociales de l’époque.
Donner l’opportunité à de jeunes designers de mode de montrer leurs idées et leurs savoir-faire
Cette idée d’accueillir favorablement les idées et les talents des jeunes générations peut perdurer et inspirer les jeunes générations.
Par exemple, en 2023 [90 ans après l’ouverture de cette maison de couture familiale, 70 après le décès de son fondateur], une rencontre a eu lieu avec des étudiants de l’école de mode LISAA en s’appuyant sur l’histoire et les dessins d’archives de la maison de couture.

Une page du dossier présentant le workshop
Aujourd’hui, les « fashion notebooks » veulent aussi mettre en valeur de jeunes talents qui se sont déjà lancés sur cette voie escarpée.
Le luxe est toujours présent à l’emplacement qu’occupait cette maison de couture au Rond-Point des Champs Elysées. C’est une marque italienne bien connue qui est présente et l’escalier à double évolution, lui toujours là, se met au goût des époques qu’il parcourt.

L’escalier à double évolution de la maison de couture
Les archives officielles de la maison de couture sont au Musée de la Mode à Yverdon en Suisse. Une société commerciale américaine exploite la marque Robert Piguet en terme juridique et marketing pour commercialiser des produits de parfumerie.